Christian Legendre est tenté par le modelage après des années consacrées à la peinture. Avec l’huile, en impressionniste ou en poète, il essayait de traduire un instant. De chaque heure du jour passée sur les bords de Marne, il a saisi les reflets de l’eau, la décomposition des éléments par la lumière, la transparence, le mouvement, le trouble.
Il est un acteur passif de ces phénomènes naturels.
La nature est une tentation. Il se compose un jardin en terrasses où les saisons modulent le
paysage. Probablement a t’il observé les animaux des fermes avoisinantes et apprécié l’ironie des fables. Aux arbres dépouillés l’hiver de leur feuillage, aux graines et aux cosses, il donne des compagnons de route ludiques. Un univers zoomorphe grimpe sur le toit de l’atelier. Une tuile faitière en forme de poule, un chien de garde avec une lame dans la bouche, des vases à mamelles, des graines géantes suspendues aux branches, autant de clins d’œil qui confondent l’environnement. Dans des vases aux longs becs, il fait pousser des plantes, cherche le rosier rare ou le plus florifère. Il travaille ses terres comme un jardin vivant de sculptures.
Il aime les terres colorées dans la masse, les effets de symétrie et de transparence, les passages de lumière entre le vide du contenant et l’espace extérieur.
Il travaille sur le fil d’une réalité qui servirait de référence. D’observateur, il devient créateur de formes, va au-delà du modèle, ironise, brouille les pistes, sans la certitude du bien-faire. hésite entre le concave et le convexe, tente un assemblage d’éléments, crée des liens auxquels il ne donne pas un sens définitif. Sur les terres blanches, il peut ajouter une trace de pinceau, un éclat de vert ou de bleu, une excroissance imprévue qui aurait poussé sur un vase de saison.
S’il affine parfois sa plaque de terre, l’étire jusqu’à lui donner l’aspect d’une membrane translucide, il est aussi tenté par des matières compactes, rugueuses, des grès très chamottés laissés à leur couleur d’origine.
Sur un mode lent, subtil, il se préoccupe de la vie quotidienne, des rythmes naturels, fait la cuisine du marché. Il choisit la main comme outil, réconcilie les fissures et la chaude poussière de la terre, progresse dans la maîtrise du feu.
Aux formes animales emboîtées, il ajoute un mécanisme qui sollicite le bruit, un sifflement, un cri. Après les formes rondes, les bulbes, les contenants, les formes végétales en suspension font allusion aux formes sexuelles de Louise Bourgeois, référence à la castration du père.
Par un jeu de montage et de titres, il se met à distance, voudrait éviter le sérieux. « Le rêve est plus fort que l’expérience »
Danielle Cohen 2008